Je faisais souvent un détour pour croiser ce building noir. Les chiffonniers étaient déjà venus charger leurs chariots avec les restes de papier vomis par l’imprimerie. A mon tour je fouillais les déchets restants, dans l’espoir d’y recueillir un flanc de matrice de rotative en carton rose, estampé en creux des nouvelles du jour. C’était un grand immeuble. Les fenêtres restaient éclairées toute la nuit. La façade était plantée d’un drapeau américain un peu crade qui pendait comme un vieux linge humide. Au rez de chaussée, par la grande vitre donnant sur la rue de Berri, les passants ne pouvaient pas ignorer l’agitation permanente qui animait le lieu à n’importe quel moment de la journée et de la nuit . Un va et vient continuel qui débordait jusqu’au bistrot d’à côté. Des femmes entraient et sortaient emportant sur leur bras des liasses de journaux. Elles étaient toutes habillées de la même façon quelque soit leur age, un jean délavé, des chaussures plates et un tee-shirt en coton jaune sur lequel on pouvait lire le nom du journal imprimé en caractères gothiques. A peine sorties, elle se dirigeaient d’un pas rapide vers l’extrémité de la rue et une fois atteinte l’avenue des Champs-Elysées, elles arpentaient les larges trottoirs et proposaient leurs feuilles en les agitant et en hurlant: “New -York Herald Tribune”. Je les rencontrais tous les matins en partant pour la caserne. L’une d’elles se prénommait Patricia. Elle était amoureuse d’un certain Michel Poiccard.
cassolette de homard / épinards / sauce hollandaise


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